Eh oui, je suis dyslexique. Vous savez, la dyslexie est ce petit « trouble persistant de l’acquisition et de l’automatisation de la lecture ». Alors en tant que dyslexique, les études, ce n’est pas mon torf… euh? Je veux dire : ce n’est pas mon fort. Bon, je me suis tout de même rendue jusqu’à l’université. Pardon madame. Mais après une année d’université en sociologie, je n’en pouvais plus de la théorie et des livres. J’avais besoin de mouvement, je voulais de l’action. Alors à tribord toute, changement de cap!
Nous sommes en 1999. Je remplis et envoi ma demande d’admission pour le cours en cuisine d’établissement du Centre Calixa-Lavallée. Puis je reçois ma réponse : accepté. Yes! C’est parti, je m’embarque pour un voyage de 1450 heures de cuisine. Attaboy!
À l’époque, j’étais végétarienne. C’est pourquoi, quand vint le temps d’apprendre la boucherie, je n’étais pas plus enthousiaste qu’il ne le faut. Or, à la fin de ce cours, en guise d’examen, je devais tout de même faire des carrés d’agneau. Et bien, surprise! La végétarienne que j’étais a obtenu la note la plus élevée de sa classe! Mais encore, voici ce que m’a dit mon professeur : « Dommage madame Gendron que vous ne puissiez manger ce que vous avez aussi bien réussi! » Wow! « Merci, chef! » Cela dit, je dois préciser que je n’ai rien contre la viande et les carnivores. D’ailleurs, je ne suis plus végétarienne depuis belle lurette. Par contre, entre un plat végétarien et un plat de viande, je choisis la plupart du temps un plat végétarien. C’est une question de goût faut croire. Certains penseront peut-être que cela doit influencer mon appréciation des plats à base de viande. Mais je pense que ce n’est pas le cas et que bien au contraire, j’ai su aiguiser mon palais à de fines saveurs d’herbes et d’épices. C’est pourquoi je sais trouver les aromates qui rehaussent à tout coup le goût plus robuste des viandes, que mon homme, ce grand carnivore des cavernes, mange goulûment…
Voilà, il y a eu de beaux moments durant mes études en cuisine. Mais il y a eu aussi un évènement tragique, une éclipse, qui est venu assombrir le beau temps. Je vous mets en contexte. Nous sommes le 10 septembre 1999. À l’école, on m’avait assigné la tâche des déjeuners. Je travaillais donc de 6 AM à 9:30 AM. À mon retour de l’école vers 10 AM, je demande à mon colocataire de ne me réveiller sous aucun prétexte. Comme je fais un autre quart de travail le soir même, je dois dormir un peu afin de conserver mes forces. C’est que les études, ça gruge beaucoup d’énergie! Tout à coup, j’entends à la télévision le décès de mon père.
Au son de ces mots, mon petit univers s’effondre. Soudainement, les couleurs s’estompent et il ne reste que le gris. En arrière-plan, tous les bruits sont sourds, tandis que mes oreilles sillent, comme si une bombe venait de tomber et que j’avais un acouphène. J’entends ce que l’on me dit, mais je ne comprends rien. Je suis une funambule entre deux immeubles au grand vent, et j’ai la nausée. Tout le reste n’est qu’un cortège sombre.
Suite au décès de mon père, je commence à perdre le contrôle de mon bateau ; mon année scolaire part à la dérive. Mais il ne faut pas se laisser aller, et un rappel à l’ordre s’impose. Je retourne en classe. Heureusement, j’ai le soutien moral de mes professeurs. Difficilement, je finis l’année, mais au moins, je termine. Même que je termine avec une recommandation de poursuivre en haute cuisine évolutive. Toutefois, je fais le choix de ne pas continuer dans cette direction. À la place, je préfère revenir dans mon patelin, à la maison, à Sorel, où j’ai la chance de travailler avec le chef Philippe De Lyon.
Bien que mes études en cuisine aient été doublements difficiles dus au décès de mon père, j’en garde de bons souvenirs. Par exemple, je me souviens de mon ami Vincent. Vincent, à la fin des cours, cachait sous sa toque son souper du soir. D’une fois à l’autre, il faisait apparaitre en levant sa toque des oignons, une poitrine de poulet, du tofu et j’en passe. Mais le comble advint lorsque notre cuistot magicien, notre Houdini de la cuisine, fit sortir de sous sa toque un homard vivant agrippé à ses cheveux! Hou ha!!! Stupéfaits, nous nous exclamions de rire. « Quoi?! » Il semble qu’un cuisinier ferait n’importe quoi pour un bon souper.
Je me souviens aussi que durant mon cours de cuisine, ce que j’aimais particulièrement, c’était de faire des bouchées et des pièces montées. Aujourd’hui, je suis chef traiteur. On ne pourra pas dire que je n’ai pas de la suite dans les idées.
Parfois, je regarde vers mon passé, et je me dis que la vie comporte des hauts et des bas, que la vie comporte nécessairement de beaux et moins beaux souvenirs. Parfois, la vie a une saveur aigre-douce, la vie est sweet and sour... Mais j’ai appris que si nous ne voulons pas demeurer avec ce goût aigre en bouche, il faut se retrousser les manches, sortir les casseroles et cuisiner son petit bonheur…
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