Puisqu’il n’y a pas de débat sur la question par les temps qui courent, j’en profite pour aborder le sujet. C’est une manière d’éviter la polémique, me direz-vous. Tant mieux, vous répondrais-je.
En 2008, Bibliothèque et Archives nationales du Québec a présenté l’exposition «Ils ont cartographié l’Amérique». Je vous parle de cette exposition car elle m’a beaucoup intéressé à l’époque. J’avoue, par contre, que je ne l’ai malheureusement pas visitée. Eh oui, je l’ai manquée malgré le fait que je voulais la voir à tout prix. Mais, vous le savez comme moi, même s’il y en a toujours, le temps finit malheureusement par manquer.
Qu’à cela ne tienne, j’ai acheté par la suite le formidable ouvrage rédigé par Raymonde Litalien, Jean-François Palomino et Denis Vaugeois intitulé «La mesure d’un continent». Cet ouvrage de grande qualité a été publié par Les éditions du Septentrion, en 2008, en marge de l’exposition. Depuis, j’ai passé des heures à examiner les multiples cartes qui se retrouvent dans cet ouvrage.
Donc, pour revenir à nos moutons, j’ai entrepris récemment le recensement des cartes sur lesquelles se retrouve le nom «Sorel». Équipé d’une loupe bon marché, j’en ai repéré 26 qui portent cette mention. Je me suis amusé, de plus, à relever les statistiques que voici.
La plus ancienne carte sur laquelle figure le nom «Sorel» date de 1678. La plus récente date de 1816. Ce qu’il y a d’intéressant ici, c’est que notre cher Capitaine de Saurel a rendu l’âme en 1682. Première conclusion : la plus ancienne carte recensée a été dessinée de son vivant, et ce, moins de 13 ans après son arrivée sur sa terre d’accueil.
Parmi les 26 cartes, j’en ai dénombré 13 qui mentionnent le nom «Sorel». Quatre autres mentionnent également «Sorel», mais le nom est positionné sur la rive ouest de la rivière Richelieu. Cela peut paraître anodin, mais pas aux yeux d’un cartographe. On peut déduire, sans doute, que Sorel se situait alors indistinctement de part et d’autre de la rivière, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui.
La mention «F. Sorel» figure sur quatre cartes. «F.» pour «Fort» vous l’aurez évidemment compris. Sur une autre carte, on peut lire le nom «Sorrell». Sur deux cartes, on retrouve les mentions «William Henry» et «Sorel». Sur l’une d’elles, Sorel est écrit «Sorrel». Il y a également une carte qui utilise les trois noms suivants : «William Henry», «Sorel» et «Seigneurie of Sorel». Constat de l’observateur que je suis, lorsque les noms «William Henry» et «Sorel» figurent sur une même carte, la disposition laisse croire que «William Henry» est la ville et «Sorel», la région.
À première vue, ces statistiques révèlent une chose : le nom «Saurel» ne figure sur aucune des 26 cartes. Peut-on se poser la question à savoir si la ville de Sorel a vraiment déjà porté le nom de «Saurel» ?
Revenons maintenant dans le vif du sujet, puisqu’il faut bien finir par y arriver. En 2000, alors qu’on cherchait le nom de la nouvelle ville, je n’étais pas de ceux qui favorisaient le nom «Saurel» ni celui de «Sorel-Tracy». J’optais plutôt pour celui de «Sorel». Pourquoi ? Parce que «Saurel» aurait signifié l’ancienneté de la ville alors que celle-ci ne se vérifie absolument pas à travers le tissu urbain ni le patrimoine bâti. Comme dirait l’autre, il faut le dire pour le croire. Je n’optais pas non plus pour celui de «Sorel-Tracy» parce que le territoire de la nouvelle ville m’apparaissait correspondre à celui de l’ancienne ville de Sorel. C’est là ce que semblent confirmer quatre des cartes consultées (Sorel sur la rive ouest).
Maintenant, le score de 26 cartes contre aucune me laisse croire que le nom «Saurel» n’a jamais vraiment été usité et que celui de «Sorel» l’a toujours été, et ce, même du vivant de Pierre de Saurel. Quelle en est la raison ? Allez donc savoir pourquoi !
Depuis, le nom «Pierre-De Saurel» a surgit dans le paysage lorsque Desjardins a eu la brillante idée de l’adopter suite aux fusions de quelques caisses. Cette utilisation a fait son petit bonhomme de chemin au fil des années et on le voit un peu partout. Fait à remarquer, dans chacun des cas, le nom se rapporte à la région, mais pas spécifiquement à la ville. C’est d’ailleurs très bien à mon avis.
Source cartes : Archives nationales du Canada
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